Le " Volksdeutsche "
Pour les allemands, le problème était vite réglé. Tout le village sera remplacé par une population de " Volksdeutsche ".
Ces " remplaçants " étaient déjà dans le village, 15 jours avant l'expulsion. Monsieur Kugler se souvient encore amèrement de ces jours ; se promenant à vélo dans le village, un de ces " Bitscherländer " lui a " piqué " son vélo tout neuf, en prétextant qu'il ne pouvait pas l'emmener avec lui, et qu'il n'en aurait pas besoin là où il allait !.
Ainsi, 60 000 personnes doivent quitter leur domicile dans un délai de quelques heures, souvent au milieu de la nuit, avec 1 000 francs et 30 kilos de bagages, en laissant sur place tous leurs biens.
Dans les trains qui les mènent à Lyon, ils chantent La Marseillaise à tue-tête, surtout dans les gares, se nourrissant de sandwichs qu'ils avaient emmené. Ce n'est qu'à Mâcon, première grande ville en France " libre", qu'un vrai repas leur est servi, avec du vin et un orchestre joue la Marseille à leur arrivée.
Les dirigeants nazis considèrent en effet ceux qui restent en Lorraine comme des Volksdeutsche, de souche allemande.
L'expulsion a dégagé d'un coup 120 000 hectares, qui sont confiés à 3 000 gérants installés dans les villages vides.
Le village est occupé par des populations allemandes du Meclembourg, des lorrains du pays de Bitch, Grostenquin et de la main d'œuvre polonaise mise au service des fermes allemandes.
Le cas des Lorrains évacués en France cause aux dirigeants nazis quelques perplexités : sont-ils récupérables ou non ?
À l'été de 1940, en même temps qu'on libère les prisonniers de guerre non-officiers originaires du territoire, on pousse au retour les évacués, avec un réel succès : 180 000 (les deux tiers ?) seraient alors rentrés. Un filtrage strict écarte évidemment les catégories suspectes et indésirables.
Cette population ainsi épurée et renouvelée est soumise à une entreprise méthodique d'assimilation.
I1 s'agit de germaniser une région disputée depuis plusieurs siècles entre la culture allemande et la culture française. ". Les communes reprennent leur désignation de 1914 et on germanise les appellations françaises qu'avait respectées le Second Reich : Château-Salins devient ainsi Salzburgen…. Les plaques des rues sont traduites L'enseignement est donné exclusivement en allemand, des cours obligatoires sont imposés aux adultes qui ne maîtrisent pas suffisamment la langue, et l'usage du français, même en privé, est prohibé sous peine de sanctions sévères.
Le changement du droit municipal s'accompagne de la fusion des communes : Juvelize fait partie de la commune de Lezen (Ley).
En ce qui concerne enfin les cultes, c'est dès octobre 1940 qu'a été prononcée la séparation des Églises et de l'État, entraînant la suppression après deux ans du traitement budgétaire des prêtres et des pasteurs, ainsi que l'élimination de leur influence dans l'école publique : le régime nazi se montre ainsi beaucoup plus radical que la Troisième République laïque qui avait maintenu le Concordat en Alsace-Lorraine. (voir l'histoire du concordat sur le site du diocèse de Metz.
Bürckel a expulsé en outre la moitié du clergé, car il y voit une force irréconciliable, à la fois anti-allemande et antinazie.
À Juvelize, l'abbé Fiacre a célébré la messe en français, jusqu'au départ. La mesure aux conséquences les plus tragiques est l'introduction de l'obligation militaire dans les trois territoires annexés.
Après l'étape préparatoire du service du travail, qui comporte déjà un serment solennel de fidélité au Führer, l'appel dans la Wehrmacht est décidé en août 1942 pour satisfaire un besoin pressant de renforts.
L'appétit de l'Allemagne nationale-socialiste va certes bien au-delà de la restauration de la frontière de 1871. Dans ses visées impérialistes, Hitler veut étendre le Reich jusqu'à l'Argonne, limite occidentale du Saint-Empire au Moyen Âge.
Le département de la Moselle de 1918.
La nouvelle occupation est suivie d'un nouveau style de maison 1940.
La main-d'œuvre abondante est constituée d'anciens exploitants, tolérés comme salariés, de quelques prisonniers de guerre et surtout de plusieurs milliers de Polonais, transférés de la région de Lodz et entassés avec leurs familles dans un hébergement sommaire et surpeuplé.